26.9.21

Der des Ders

Hier, l’automne nous a graciés de ses plus belles heures de lumière, d’un soleil vulnéraire qu’une délicate brise venait tempérer. Les couleurs commençaient de moduler le costume des érables. La rivière Richelieu accueillait les antépénultièmes plaisanciers de la saison et les foules couraient cueillir les pommes dans les vergers de la région.
Depuis dix ans, toi et moi, nous allions faire une ballade dans ce coin de la Montérégie où tu avais passé ton enfance. Antoine nous y avait suivi un jour, Jean-Christian avait fait partie de l’équipée pour une occurrence, Marie était presque toujours là.
Hier, ç’aura été la Der des Ders, l’ultime vadrouille, celle où j’aurai été te rendre à ta terre. Ta femme, ton fils, ton père et sa conjointe, ta sœur Annie, ma compagne, en petite assemblée discrète, avec en pensées ta mère qui avait envoyé une photographie de toi, nous avons écouté un de tes textes que je me suis permis de lire. Je le retranscris ici. Pour te laisser le mot final.

Semper fidelis

Kevin Vigneau

in « Papier mâché Carton-pâte », VLB éditeur, 1995, pp. 142-143 :

« O.K. ON N’AIME PAS TOUT, MAIS ON AIME TOUS. Tous, pour diverses raisons, la patate nous pétille saignante et chaude dans le poitrail pour gens et objets qui ont croisé notre champ d’affection.
Et ces êtres, et ces choses, tant d’êtres et tant de choses, on les baptise dans la salive et les larmes. Il n’y a pas de limite, il ne semble pas y en avoir, aux petits noms que les amants inventent ou barbotent ou recyclent ou rafistolent et font passer pour neufs, l’un pour l’autre. Allez-y, essayez de dresser une liste exhaustive de ceux parmi ces noms-là qui sont les vôtres, qui sont montés sur vos lèvres au fil du temps. Juste les noms doux, il va sans dire, les noms sucrés qui caressent le lobe de l’oreille et glissent sur le tympan avant de se faufiler jusqu’au cœur. Vous n’y arriverez pas. Il y en a trop, et vous sentirez confusément qu’il faudrait inclure tous ceux que vous n’avez jamais prononcés.
Moi, ma foi, des choses et des gens, j’en ai aimé des mille et des cents. Quant aux instants aimables, émouvants, fugitifs, c’est par millions de milliasses qu’il faudrait les compter. Les mots qui m’ont fait fondre, les mots ronds et les mots texturés comme un poumon de brebis et les mots à la saveur et à l’odeur fortes comme celle d’un excellent fromage, ceux-là, je ne les compte plus. Et si souvent le souvenir fugace d’une de ces passions me visite, comme par hasard, sûrement par hasard, il est rare que je les épingle au papier comme la précieuse collection de coléoptères chamarrés qu’ils représentent… »

Christian Mistral 1964-2020

15.4.16

Moran: Le silence des chiens



J'en parlerai davantage, de cette soirée, quand j'aurai absorbé ma joie.





Vers 55:00, vous tomberez sur une relecture très spéciale de Soirs de Scotch...

8.6.15

Un poète et ses vers

On me demande souvent (deux ou trois fois par semaine) pourquoi les achigans n'aiment pas la poésie, et je demeure toujours bouche bée.

Kevin Vigneau me fournit une réponse graphique éloquente et définitive.



5.6.15

Hans...

Je l'ai dit déjà, écrit souvent. C'est mon ami et mon héros, il m'a extirpé de la merde à bout de bras plus d'une fois. Et si je me mêlais de politique et si j'habitais son comté, je voterais pour lui, vingt fois en une seule après-midi.

Pour l'heure, je me contenterai de diffuser ceci, qui donne de quoi se faire une idée de l'homme en une minute et cinq.






24.1.15

Adieu, Kid... SIMON GIRARD: 1979-2015

Simon s'est suicidé le 4 janvier.

Emcée me l'a annoncé doucement hier midi, après l'avoir appris chez Sandra Gordon, dont c'est l'anniversaire aujourd'hui et qui naquit la même année que lui.

Je n'ai pas dormi depuis. Rien à voir avec un bouleversement émotif, un choc, une douleur vive et soudaine. Tout le contraire, en fait.  Je savais que je devrais laisser à la nouvelle le temps de me pénétrer, et à moi celui de l'absorber. La mesurer. L'interpréter. L'écrire. J'ai commandé de la coke sans le moindre désir, la première fois depuis des mois, au point que mon pusher me croyait mort ou en prison à force de ne plus recevoir mes appels. Sans le moindre désir, mais je m'installais pour un lent et long bout de temps, ce qu'il faudrait pour rassembler mes souvenirs et réfléchir et ressentir. On ne va pas dormir quand un ami vient de mourir. Pas avant l'épuisement des pensées.

Simon. J'ai relu toute notre correspondance, qui s'étend sur nombre d'années et prend plusieurs formes, des courriels et des chats, surtout. Me suis rappelé ainsi cent choses que j'avais oubliées. Qu'on avait faites, ou discutées, les deux en général. Et chaque archive me semblait propre à choisir pour publier ici un échantillon de ta voix. Sauf que c'est privé. C'est pas parce que t'es mort que je suis délié de notre accord tacite de confidentialité. Pas le jour de tes funérailles, anyway. Dans l'avenir, on avisera. On avisera. Dans l'avenir. Christ! Que ces concepts semblent creux et futiles aujourd'hui...

Alors quoi?

Alors ça. Autrefois, j'ai tâté du podcast. Ici, au Bunker, de manière expérimentale. Et le premier, je l'ai fait avec toi. On l'a diffusé. C'était public. On était plutôt contents du résultat. Et on l'y entend, ta voix, Kid, on l'y entend d'une façon qui fait mal maintenant.

Je l'exhume donc. En mémoire de toi, mon gars...