27.6.02

Vrac, vite vite avant que le livreur de broue n'arrive:



-Le concierge est venu poser les lattes de bois circonscrivant le périmètre-cuisine. Un boulot de quinze minutes, incluant la pause-bière tandis que se solidifie la colle-contact. Bilan fait, j'attendais depuis un an et demi, on m'a promis de venir vendredi prochain vingt-six fois plus ou moins et le concierge actuel est le sixième en succession directe depuis le premier qui m'a menti.



-Le maudit pot de fleurs prospère, les petites rouges arrêtent pas de périr et de renaître d'un jour à l'autre comme des phénixs végétaux narquois, moi j'arrose, j'ai pas le choix, je fais ça vite sans regarder, comme si ça pouvait m'empêcher de me mettre à les aimer.



-Hier soir, au Café Ludik: un bluesman à la voix chaude citron-miel-boisson forte, une voix de ponce de gin, de grog épicé, de vin bouilli. Patronyme Lutes, prénom je m'en rappelle pas.



-Même moment, même endroit: Patrick Coppens, poète que je qualifierai de fildefériste, because la façon dont il livre son show (rodé comme un moteur de Ferrari, adaptable à l'entier spectre des pistes, qu'il pleuve ou que l'asphalte fume): il flirte avec l'étroite et brumeuse frontière entre mettre les gens à l'aise et outrager leur égo. Il flirte, et il séduit. Plus tard, entre sa sortie de scène et mon entrée en icelle, il vient m'offrir une page autographiée; je ne saurais reproduire ici ce qu'il m'a écrit, sinon en le paraphrasant, vu que le papier est resté dans la poche-revolver de Vigneau, en tous cas c'était gentil et il était question de bosser duo un de ces jours. Un peu plus tard encore, il laisse tomber qu'il en est à sa 397ème performance. K n'est pas encore passé, il passera en dernier parmi les invités, avant la portion micro ouvert, anyway deux choses me viennent en tête à cette mention de 397ème: #1. Je songe que K en est à sa unième, et j'espère qu'il a ramassé quelques trucs en écoutant Coppens. #2. Je me réjouis d'avoir pu offrir ce raccourci à K en négociant un package deal avec Éric Roger, et je me réjouis que K, son orgueil bien placé, ait eu le bon sens d'accepter sans stériles états d'âme (ce matin, au téléphone, quand il m'a confié s'être réveillé sur un high naturel, je me suis réjoui encore. Il y a des jours qui sont comme ça, et moi, je suis encore mardi).



***



Vrac (suite), vite vite avant que les flashes ne s'enfuient (tous mes bons flashes se font la malle, ça la fout mal):



-Un blind pig sur la Main, milieu de la nuit dernière: ce nègre déjanté hallucine pire qu'une groupie de banlieue, me suit partout, me saute au cou, se jette sur mon chemin avec force gestes d'amitié; j'y réponds vaille que vaille, de dix secondes en dix secondes sa main s'élance et stoppe en l'air faut que je fasse la même affaire pour qu'on s'accouple en un high five, lequel échoue à tous les coups à cause de lui dix fois sur dix encore un mythe qui se dévisse, deux heures plus tard il est bien cuit on est assis de part et d'autre d'une table lamentable et il commence à me causer en phrases entières que j'entends pas—je viens de farcir le juke-box jusqu'à la fente avec toute la mitraille qui lestait ma poche de futal—on s'y reprend à plusieurs fois il se passionne pour son sujet j'aimerais tant en faire autant sauf que la seule chose que j'entends c'est la beuglante d'Éric Lapointe amplifiée par les haut-parleurs toujours est-il que ce con-là ce qu'il pensait ce qu'il disait c'est que j'étais un gars de gaffe un chef motard un Hell's Angel il voulait se faire pardonner pour les bêtises qu'il avait faites dans ce bar-là auparavant il s'était fait jeter dehors un mois plus tôt comme y en a mille sauf qu'il se croyait exilé une fois pour toutes et sans retour et quand il était revenu certain qu'on ne l'admettrait pas il était tombé sur le cul en ne constatant rien de tel et depuis lors depuis deux heures il était en proie à la peur irraisonnée qu'on épiait le moment de le châtier en bout de ligne il n'y tint plus il se plaça à la merci du plus gros sale aux cheveux longs qu'il trouva dans les environs persuadé qu'il s'agissait d'un chef de guerre d'un puissant homme et c'est ainsi qu'il se méprit qu'il fit erreur sur la personne en l'occurence c'était moi et non quelqu'un qui me ressemble et qui serait cet écrivain dont la rumeur dit tant de bien...

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