12.6.03

Éric passe chercher des sous. Peu importe son état, il a le flair pour ces choses-là. Son état, dis-je, parce qu'il arrive en chaussettes, les mains enfoncées dans deux patins à roulettes. «Ils me les ont fait enlever en bas», explique-t-il, penaud, et arborant le plus ravissant oeil au beurre mauve que j'ai vu depuis longtemps, tout lustré et nuancé. Son état, parce que quand il finira par m'en fournir l'explication (je n'ai scrupuleusement rien demandé, trop occupé à me mordre la langue au sang), il commencera par dire qu'il a le nez cassé.



C'est tout lui, ça, venir me voir avant un médecin. «Alors?» je l'encourage à continuer. «Ben, c'est un gars qui me montrait des prises de lutte olympique...»



«La lutte olympique, c'est pas supposé finir comme ça. J'en ai fait, de la lutte olympique. T'es trop grand pour la lutte olympique. Moi aussi. Ton centre de gravité est un handicap.»



«Ah bon...», qu'il dit.



«Mais ton nez m'a l'air intact. Ton célèbre grand nez bourbonien, ton gagne-pain, même pas dévié...»



«Ça fait mal! Je peux même pas y toucher! Je sens les caillots de sang...»



J'ai appelé la clinique pour m'assurer qu'il y avait un toubib de garde et qu'ils disposaient d'une machine à rayons X, et je l'ai accompagné jusque sur le trottoir, le temps qu'il remette ses patins. J'attends des nouvelles.

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