31.12.11

Let it be

À tous les beaux écorchés de cette Tribu, une bonne et heureuse, une fertile et féconde année bien riche et bien sentie, exempte de soucis...

23.12.11

L'esprit des Fêtes (b)

En plein pendant que je rédigeais le passage du précédent billet ayant trait aux nouveaux Tribaux, v'là que Ginette Desmarais nous rejoignait. Or, figurez-vous que cette poétesse, auteure-compositrice-interprète, joue du mélodéon itou, et sait reeler. En plein temps des Fêtes! On n'avait pas encore de reeleuse, que je sache!

Alors, comme je disais, peu importe l'automne à l'origine du montage tantôt, et peu importe l'été quand fut enregistré le clip suivant: Blue, tous vous autres amis d'ailleurs, ça c'est la musique qu'on se joue à cette époque-ci de l'année.

Bienvenue, GD.

L'esprit des Fêtes

C'était en 2010, et c'était l'automne, mais ce soir-là je me sentais comme à Noël et au Jour de l'An réunis: revoir le montage me remet dans l'esprit.

Il manque Mac, et Butch, et Plum est parti, et MakesmewonderHum n'est pas arrivé, et on a de nouveaux Tribaux depuis, et y a pas JohnnyBee ni Kevin, ni Lorka, ni Véronique, ni Rain, y en a qui y sont mais ont changé de nom...

C'était le lancement du roman de Sandy, Les corpuscules de Krause, et le show de Masataq, et la visite en coup de vent de Blue, et l'assemblée tribale.

Anyway. Makes me feel good, so there. Ceci tiendra lieu de meilleurs voeux, de moi à vous, belle et terrible Tribu, sweet engeance de sauvages. Tas de ploucs.

OUI, MAIS!... Bourgault pour aujourd'hui, quarante ans après


19.12.11

Sans titre


Y a pas de poésie en prison 5.22'
Texte: Christian Mistral - Musique: Michel Rivard
Arrangement à cordes: Stéphanie Collerette

Tiré de l'album 






On est lundi. Ça va encore. Z'êtes libres? Moi aussi. C'est une belle chose, la liberté. Invisible mais belle, comme l'oxygène: on ne les remarque pas à moins d'en manquer brusquement. Comme une femme qui s'en va sans qu'on n'ait rien vu venir, aussi; ça ressemble un peu à ça. On vit avec sans la voir, un jour elle part, soudain y a qu'elle partout où qu'on regarde dans la piaule vide, et si on ferme les yeux très fort pour chasser les images, on les voit en 3D. Mmoui. Pareil que la liberté.

L'oxygène, je ne sais pas, mais perdre sa femme ou être privé de sa liberté dans la fourchette de temps communément appelée le Temps des Fêtes, je connais, j'ai connu. Il en faut pas gros pour connaître: suffit de s'être déjà retrouvé menotté pour défaut de paiement d'amendes accumulées et d'avoir été engeôlé quelques heures pour connaître; j'ai deux, trois amis, des hommes de mon âge, une fille aussi, sur qui cette seule expérience déjà lointaine a produit une pénible et durable impression. Moi, eh bien, comme on sait, j'ai connu pire et plus souvent, aussi chaque année à peu près maintenant, je désire ardemment n'y plus penser et m'étourdir; un ami, ce matin, m'a écrit pour poser à mon endroit un geste d'une choquante bonté: il travaille pour trois, il ne devrait pas avoir le temps de penser à moi cette semaine, or je le soupçonne de considérer justement le contraire, et que cette semaine est en plein celle de le faire, et que la choquante bonté, manifestée sans tataouiner, est la seule qui vaille. Et voilà, veux, veux pas, l'idée des  humains qui passeront Noël en prison m'a recogné en plein front.

Il serait sot, je le signale, d'imaginer que Noël à l'ombre n'est doublement douloureux que pour les incarcérés chrétiens. Ce soir-là, les murs suintent l'humanité, toutes races et fois confondues, même celle des gardiens.

On est lundi. Ça va encore.

Jeudi au plus tard, cependant, un désespoir rampant, presque caoutchouteux, s'immiscera comme cent mille serpents entre les barreaux de milliers de solitudes silencieuses emmurées qu'aucun parent, aucun ami n'aura visitées, auxquelles nul petit colis ne sera remis, qui contiendrait un livre ou un gâteau aux fruits, de la part de quelqu'un qui pense à eux; dont on aura refusé tous les appels à frais virés. Vendredi, les prisons résonneront du tic-tac des secondes chances, et ce jour sera le plus long; samedi, le temps semblera cesser de respirer, juste au milieu de deux aiguilles fondues en pleine horloge de purgatoire: le temps lui-même, comme en état d'arrestation.

D'après ces chiffres, on peut estimer à environ 4 500 la population carcérale provinciale en cet instant précis. Hors les murs, combien de pères, d'ex-blondes, d'amis en proportion de cette population, qui ont presque décidé de ne plus y penser jusqu'au 7 janvier, genre? Qu'ils aillent au lit ce soir sans durcir leurs coeurs, et demain, qui sait de quelle humeur ils pourraient se lever? On sera mardi. Pas trop tard.

Quant à ceux qui, lisant ceci, se remémoreront leur propre ancien Noël en prison, faut pas trop m'en vouloir, j'ai pas fait exprès. Où est votre trousseau de clés? Dans votre poche de jeans, votre sac à main, pendu au clou planté dans le hall d'entrée ou posé sur le meuble du vestibule? Prenez-le entre vos doigts. Manipulez ces morceaux de ferraille taillés et contemplez. Vous avez les clés.

Ce soir, dormez en goûtant votre liberté. Parce que vous savez, c'est comme votre propre haleine: vous ne la sentez pas.




2.12.11

Cantat: que trois

Merci, by the way, vous trois, de vous être exprimés.

Alors? C'est ça? Outre ces trois-là, vous avez rien à dire sur Cantat? Ça vous intéresse pas, all of a sudden? Z'avez pas d'opinion?

Y a trop d'abonnés, ici, pour le degré d'aplomb. Plusieurs devraient songer à déménager, before the organ grinder punishes a few monkeys.

Chanson du vendredi

I wish I wish I was Oh young agaaaaaain!
So I So I could Oh tout faire pareeeeeeil!
L'hostie de glu collante au cul
Qui constitue le plus gros du
Contingent de ma triste espèèèèèèce,
Chrai pas fâché d'men arracher
Mais pour le plaisir d'y cracher
Dans face encore ses faibleeeeeesses,
Je reprendrais bien du service
Quarante ans bis en sacrifice
Pour le beau Oh bonheur obscène
D'les r'fourrer drette ent'les oreilles.

Voyez bien?

Le gouvernement s'en occupe, le système est réformé.

Pis?

C'est ben la preuve que le monde se plaint toujours pour rien.

1.12.11

Une chance que ça risque pas d'arriver

Avant-hier, Pauline, qui s'y connaît en cabinets fantômes, nomme ce Sylvain Gaudreault à l'Éducation, genre.

Aujourd'hui, première idée du zouf: contrôler les pages Facebook des jeunes, évidemment: la mise en place de moyens pour intervenir dans le cyberespace...


Sylvie Roy n'est pas seule. Opposition? Restez-y donc.

28.11.11

Cantat Grata!

Hein? Kessé? Parlez plus fort, j'entends rien. Un jour? Un jour d’action contre la violence faite aux femmes: officiel, pas de trouble ek ça, mais là c'est pas le temps, je commence mon billet dans vingt secondes, Hein? Quoi, douze? Douze jours? D’action contre la violence faite aux femmes? Rien que ça? Huh huh... Pis c'est quand, à peu près? Ooohh! Du 25 novembre au 6 décembre. Hmm hmm. Pis donc vous trouvez ingnoble que Bertrand Cantat remonte sur scène le 25. Hmm, oui, je vois... Vous voulez ses roubignolles, oui oui, je comprends...Et quoi encore dites-vous? Ah oui, ça aussi...

Bon, voici ce que je propose: d'abord, j'écris mon topo, hein, ici, c'est l'affaire de cinq minutes, pendant ce temps vous m'attendez hors du studio, juste derrière cette porte, là: oui, c'est pas pour moi, vous me dérangez pas, c'est pour les techniciens, au son, à l'image, tout un pastis, les assurances aussi je pense; bref, hein, ça vous va? Voilà; oui, cette porte là.

Vous l'ouvrez, et vous voyez la rue qui se déroule comme un ruban juste là. ben vous marchez sans vous retourner pis vous me foutez le camp tas de maniaques! Vous l'avez empêché de venir travailler ici, au Québec, vous avez forcé le retrait du TNM de la trilogie Sophocle, vous auriez noyé cet homme dans l'eau noire du Vieux-Port, eh ben soyez d'heureuse humeur, il demeure un paria aussi dans son propre pays, où il y a autant de cons cruels et primitifs qu'ici, en proportion. Soyez d'heureuse humeur, mais foutez-moi le camp avant que je lâche les chiens!

Bertrand Cantat, aujourd'hui chez moi, après tous les autodafés de ses disques et l'interdiction judiciaire d'écrire ou de chanter l'amour et de se produire, après toute l'ignominie de trouver partout des charognes assemblées telles que vous, il monte on stage, on ouvre l'oeil, on ferme nos yeules, vouzôt anyway tas de Varices, scram, SCRAM!!!

Gerry! Sont dehors? Parfa. Barre la porte. Y a un grand artiste qui a commis une grande faute et qui la paie très cher, oui oui c'est lui... Ben ok: spotlight, sono, silence...



27.11.11

Au jour le jour, on a tendance, c'est bien naturel, à remarquer surtout

les failles et les petits défauts de notre démocratie provinciale, mais ne devrions-nous pas de temps en temps comparer avec ce qu'elle était, disons, en 1935, ce moyen-âge pré-Grande Noirceur, ce cloaque de corruption et de politique habitante, ce...

Pour GeeBee pis sa pitoune steady (y font un beau couple, chpense que ça va marcher, héhé)

Du jazz de Grecs

Cherchez pas: c'est juste pour étriver OldCola.

Résiste

C'est le cadeau que Rain voulait nous faire. Vais pas vous en priver. C'est chanté par Isabelle Geneviève Marie Anne Gall, que certains appellent France, et c'est écrit et composé par Michel Berger, qu'elle appelait son mari.



Goddamn Gornouille. Ché pas pourquoi j'y en passe tellement.

Revenons à nos moutons:

Coudonc, Matt Lefebure est-y arrivé en ville? J'veux pas le manquer.

C'est rendu de plusse en plusse dur de fonctionner sans participer du maudit culte Facebouc, mais y en est toujours pas question, si je meurs je veux qu'on m'enterre dans une cave où y a du bon vin pis pas d'hostie de Facebouc siouplè.

Flashback

Cachés quelque part dans la Toile, il subsiste ici et là des fragments déjà plus très frais de mes écrits cybernétiques; certains, ne serait-ce que pour ça, y trouveront quelque intérêt.




VV
Non, pas Vortex Violet.
Va-vite.
Ce dimanche a commencé avec la seconde lettre de VLB dans La Presse. C'est Mélanie Vincelette qui me l'a envoyée. Comme la première.
La voici reproduite:

Le dimanche 25 avril 2004

Quand souffle le mistral


Victor-Lévy Beaulieu
La Presse
Trois-Pistoles

Le job du polémiste, c'est de frapper sur le bon clou et de taper assez fort pour qu'on en prenne acte. Les nombreuses réactions suscitées par mon article de février dernier sur les jeunes romanciers québécois disent bien que je ne me suis pas trompé sur l'essentiel : la nouvelle littérature est celle de grands adolescents dont les pères sont manquants et les mères manquées.

Face à cette vérité d'abord sociale, les jeunes romanciers se tournent vers eux-mêmes et se cherchent des raisons de vivre en exacerbant leur affectivité. Dès que le regard de l'autre les pénètre un tant soit peu, ils deviennent volontiers paranoïaques: ils sont tellement habitués de se considérer comme le centre de l'Univers que même la généralité, ils la prennent de façon personnelle. Enfants, ils ont trop écouté Passe-Partout qui nous les montrait tellement plus fins que les adultes.

Mais ces grands adolescents ne sont pas que le produit de pères manquants de mères manquées. Ils sont aussi les rejetons de Pierre Elliott Trudeau de sa charte des droits et libertés. Peu d'entre eux considèrent que vivre en société comporte un certain nombre de devoirs et d'obligations, par essence collectifs. Ils n'en ont que pour les droits individuels: je fais ce qui me plaît, comme ça me plaît et quand ça me plaît. Et ils croient dur comme fer que leur égocentrisme est un nouvel humanisme de gauche! Idéologiquement, ce sont des Bougon qui se prétendent anarchistes alors qu'ils ont plutôt la conscience sociale à zéro.

Je suis sans doute un vieux chnoque, mais je ne crois pas au salut individuel, surtout quand le propulse une spiritualité de pacotille. Le progrès et l'assomption de l'homme ne peuvent être que collectifs, d'où la nécessité d'un État-nation qui peut et doit en baliser les tenants et les aboutissants. En évacuant de leur discours celui de question nationale, nos jeunes romanciers nous convient à un destin suicidaire. Je n'ai pas besoin d'ajouter que seulement cela suffirait à creuser en canyon le fossé qui nous sépare. Philippe Jean Poirier rend fort bien compte de cette problématique dans La Tête de Philippi et L'Amour est un cargo sans pilote, ses deux premiers romans publiés en 2003. Poirier est sans aucun doute lemeilleur des jeunes romanciers que j'ai lus depuis longtemps puisqu'il fait le pont entre les soixante-huitards dont je suis et lagénération des Hamelin des Mistral.

Dans la réponse qu'il me fait, Mistral se montre frustré parce que je n'ai pas parlé de lui. Le problème de Mistral, c'est qu'il est encore trop jeune pour être un vieux chnoque de mon acabit, mais déjà trop vieux pour faire la bringue comme dans les premiers romans que j'ai lus.

Quant aux jeunes éditeurs qui ont pris part au débat, dont la naïveté m'a charmé et amusé, je leur conseille de lire les deux premiers tomes de l'Histoire de l'édition littéraire au Québec au XXe siècle, une magistrale leçon sur ceux qui ont contribué à rendre notre littérature dans ses grosseurs.

Ils y apprendront entre autres que les problèmes dont ils parlent ont été vécus avant eux par les Édouard Garaud, les Albert Lévesque, les Albert Pelletier et les Bernard Valiquette. Cette lecture-là une fois faite, je ne doute pas que se poseront alors pour eux les vraies questions et qu'ils perdront ainsi moins de temps à se croire les inventeurs de solutions soit-disant neuves alors qu'elles ont été expérimentées maintes et maintes fois par leurs aînés, et sans grands résultats, est-il besoin que je le précise.

Je souhaite à ces jeunes éditeurs de préserver leur enthousiasme. Tant d'autres virent casaque quand, après avoir compris le mode d'attribution des subventions gouvernementales, ils mettent la hache dans leur politique éditoriale pour publier n'importe quoi qui se vende. Parlez-en à Michel Brûlé, grand gueulard devant l'éternel lorsque étaient parcimonieuses les subventions qu'il recevait et bien silencieux maintenant que le ministère du Patrimoine lui octroie 250 000 $ par an!

_____________________________________
1.La Tête de Philippi, Éditions Stanké, 2003 et L'amour est un cargo sans pilote, de P. J. Poirier, Éditions Stanké, 2003.

2.Histoire de l'édition littéraire au Québec au XXe siècle(deux volumes), sous la direction de Jacques Michon, Éditions Fides, 1999 et 2003

> Victor-Lévy Beaulieu a accepté de participer à la rencontre qui aura lieu aujourd'hui, de 15 h 30 à 17 h, à la librairie Champigny-Renaud-Bray, 4380, rue Saint-Denis. Une rencontre animée par Jean Fugère qui accueillera aussi les jeunes auteurs Patrick Senécal et Melikah Abdelmoumen.

Bon. Sur ce qui précède, je ne m'étendrai guère, surtout parce que je ne suis pas vraiment mis en cause dans cette affaire, depuis le début. Le titre m'étonne, je dirai ça. Parce qu'il ne me semble pas refléter le contenu du texte. Quant au bref paragraphe qui m'interpelle, je dirai que je reprochais au moins autant à Victor-Lévy de ne pas parler de lui que de passer par-dessus moi.
Ma méthode ayant fait des petits, le courriel de Mélanie, adressé à toute sa liste, a suscité des réactions en chaîne qui n'ont pas tardé à débouler dans autant de boîtes courrielles, dont la mienne. Sans trahir le caractère semi-privé de ces correspondances en circuit-fermé, je peux révéler qu'elles contenaient saine grogne et saintes colères. Plusieurs signataires annonçaient leur intention d'aller brasser de la marde chez Champigny à trois heures et demie. Et c'est ce qui m'a décidé, une semaine après l'invitation de Jean Fugère («Avec ou sans ta gang»), à y aller aussi. En spectateur. Parce qu'on sentait qu'il allait se passer quelque chose.
J'ai appelé Kevin, qui est tombé d'accord. On est arrivés là trois minutes avant l'heure. Au haut de l'escalier, arborant ce sourire de sphinx que je connais si bien, celui qu'il a quand il sait quelque chose que j'ignore, se tenait Guillaume, flanqué d'un libraire-cerbère qui semblait tout autant s'amuser. «Veux-tu savoir la meilleure?» a fait Guigui avant d'enchaîner: «Il est pas là. Il vient pas...»
VLB s'était décommandé. Par fax. Deux heures plus tôt. Pour cause de, je cite: «laxiste va-vite».
La place était pleine, faisait chaud, y avait des lecteurs et des auteurs et seul Jean Fugère pouvait faire avaler cette absence à ces gens pompés à bloc sans se faire lyncher ni qu'on en veuille à VLB. Mieux: l'événement a eu lieu quand même, suscitant une conversation et une cristallisation des conceptions littéraires et sociales des principaux acteurs de ce théâtre. Ce que je ne me souviens pas d'avoir vu auparavant, jamais, ni de loin ni de près.
Avec Guillaume, on est restés derrière, en observateurs, souhaitant très fort ne pas être conscrits et appelés à témoigner au micro, et on partait, discrets, quand Fugère a dû voir mon chapeau se diriger vers la sortie, et voilà, il m’a conscrit.
J’ai gardé ça court. J’ai juste relevé que le mot Boomer n’avait pas été prononcé depuis une heure, même si on ne parlait en fait que de ça, même si c’était au coeur de la question. Fugère a suggéré que VLB n’est pas un Boomer. J’ai laissé couler. À quoi bon souligner qu’il est né en septembre 1945? Plus tard, au Bunker, Kevin, tout surpris quand je le lui ai dit, m’a confié qu’il lui donnait soixante-dix ans. Ceci explique cela, je suppose.
J’ai gardé ça court pour ne pas m’emporter et discourir sur l’homme in abstentia. Déjà, mes prédécesseurs au crachoir s’étaient lamentés de ne pouvoir lui parler entre quat-z-yeux, avant d’exposer ce qu’ils lui auraient dit. C’est leur prérogative, mais ce n’est pas mon genre.
J’ai gardé ça court. Ils ont ri, m’ont applaudi et puis je suis parti. Guig nous a ramenés dans sa nouvelle Volvo.
Je crois que ce dimanche marquera peut-être une date: la suite de l'oeuvre de ces jeunes écrivains le dira.Avant et après la fois où VLB eut le va-vite...

1:14 PM

Une tribale utile dans la vraie vie

Elle s'appelle Véronique Robert. Bardée de diplômes, d'expérience et de bon sens. Son blog serait un blog de chevet if there was such a thing. Jeunes tribaux, surtout, et tribaux pas encore assagis, allez-y lire un post archivé de temps en temps. Ça parle de nos lois, ça parle de vos droits. Ça parle au Yâwb et ça parle du coeur filtré par la tête.

26.11.11

Bleu Natier: 25 ans, Rest In Peace, et allô la suite!



Ça finit aujourd'hui, ça recommence demain, autrement, better, stronger, different, the same...

Big Pat pète une coche, la grande Blue pleure en dedans et rugit léonine en dehors, et tout ira bien dans la nouvelle incarnation.

Lettres Québécoises: 35 ans


André Vanasse est mon père en littérature, son fils Alexandre est mon frère. La revue renouvelée, en quatre couleurs, rajeunie, perpétuée, quelle belle éventualité... 

24.11.11

Le chicot d'Emcée

Quand l'élancement t'arrachera à la sieste roborative, que tu souffriras du dégel de gencive, ceci te soulagera deux minutes. Gaz hilarant, dentist approved.




Pis tu te finis avec ceci (puissante médecine: j'ai déjà sauvé la vie de Blue avec, une nuit qu'elle voulait s'arracher une dent avec les ongles):

 

Vera...

23.11.11

Rigueur, Ricky, hostie... Pas gros, rien qu'une tite bite de rigueur.

Combien de temps ça lui aurait pris, de fouiller pis trouver pis corriger pis étoffer, avant de publier ça dans un journal à tirage énorme lu par énormément d'incultes? Ça m'a pris trois minutes et demie, moi, et assurément il s'en serait sorti en moins d'un quart d'heure.

Parce que là, calvaire, c'est tout de même Voltaire!


La liberté d'expression (ce qui suit est extrait de Wikipédia, no shit, avis aux chroniqueurs pressés, c'est full utile!)



L’attachement de Voltaire à la liberté d’expression serait illustré par la très célèbre citation qu’on lui attribue :

« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »

Certains commentateurs (Norbert Guterman, A Book of French Quotations, 1963), prétendent que cette citation est extraite d’une lettre du 6 février 1770 à un abbé Le Riche où Voltaire écrirait : « Monsieur l’abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire. » En fait, cette lettre existe mais la phrase n’y figure pas, ni même l’idée. (Voir le texte complet de cette lettre à l’article Tolérance.) Le Traité de la toléranceauquel est parfois rattaché la citation ne la contient pas non plus.

De fait, la citation est absolument apocryphe (elle n’apparaît nulle part dans son œuvre publiée) et trouve sa source en 1906, non dans une citation erronée, mais dans un commentaire de l’auteure britanniqueEvelyn Hall, dans son ouvrage The Friends of Voltaire15, où, pensant résumer la posture de Voltaire à propos de l’auteur d’un ouvrage publié en 1758 condamné par les autorités religieuses et civiles, elle écrivait « “I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it” was his attitude now » (« “Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire” était désormais son attitude »). Les guillemets maladroitement utilisé par Evelyn Hall ont été interprétés comme permettant d’attribuer la déclaration à Voltaire. En 1935, elle déclara« I did not intend to imply that Voltaire used these words verbatim, and should be much surprised if they are found in any of his works »(« Je n’ai pas eu l’intention de suggérer que Voltaire avait utilisé exactement ces mots, et serais extrêmement surprise qu’ils se trouvassent dans ses œuvres »)16,17.

L’affaire à propos de laquelle Evelyn Hall écrivait concernait la publication par Helvétius en 1758 de De l’Esprit, livre condamné par les autorités civiles et religieuses et brulé. Voici ce que Voltaire écrivait dans l’article « Homme » des Questions sur l’Encyclopédie :

« J’aimais l’auteur du livre De l’Esprit. Cet homme valait mieux que tous ses ennemis ensemble ; mais je n’ai jamais approuvé ni les erreurs de son livre, ni les vérités triviales qu’il débite avec emphase. J’ai pris son parti hautement, quand des hommes absurdes l’ont condamné pour ces vérités mêmes. »

Autre passage pertinent : « En général, il est de droit naturel de se servir de sa plume comme de sa langue, à ses périls, risques et fortune. Je connais beaucoup de livres qui ont ennuyé, je n’en connais point qui aient fait de mal réel. […] Mais paraît-il parmi vous quelque livre nouveau dont les idées choquent un peu les vôtres (supposé que vous ayez des idées), ou dont l’auteur soit d’un parti contraire à votre faction, ou, qui pis est, dont l’auteur ne soit d’aucun parti : alors vous criez au feu ; c’est un bruit, un scandale, un vacarme universel dans votre petit coin de terre. Voilà un homme abominable, qui a imprimé que si nous n’avions point de mains, nous ne pourrions faire des bas ni des souliers [Helvétius, De l’Esprit, I, 1] : quel blasphème ! Les dévotes crient, les docteurs fourrés s’assemblent, les alarmes se multiplient de collège en collège, de maison en maison ; des corps entiers sont en mouvement et pourquoi ? Pour cinq ou six pages dont il n’est plus question au bout de trois mois. Un livre vous déplaît-il, réfutez-le ; vous ennuie-t-il, ne le lisez pas. » Voltaire, Questions sur l’Encyclopédie, article « Liberté d’imprimer ».



Aarggh! P'tite misère! On lui demande pus depuis longtemps de contribuer à l'avancement de la civilisation, mais faudrait penser à une façon de le convaincre de ne pas nuire non plus. Non mais, sacraman, checkez ça, pis c'est de même quasiment tous les jours:

Devrait-on avoir le droit, en 2011, de dire, par exemple, qu’on est contre les mariages mixtes, même si c’est une idée totalement imbécile ?

Question délicate…

Ché pas, dude; pis toé? Kesten penses? Devrait-on l'avoir, ce droit? Mettons que je le prends, moi, et qu'en plus je pense que cette idée n'a absolument rien d'imbécile. Mettons que je me le prends, ce droit, comme mon héritage naturel, un droit de l'homme, sans me soucier des bruits sortant de pisse-copie stipendiés affligés d'une tendreté à la vessie.

Rien de délicat dans cette question. Celui qui la pose, oui, maybe, un triste cas délicat d'ostéogenèse imparfaite. Mais autrement c'est clair, c'est net, c'est spic and span.

No no no, petite

Respecte tes aînés, jeune fille. Écoute leur sagesse. La mienne. Chu né le 3 novembre 1964, et toi le 4, so sit down et ouvre grand les écoutilles.

Sylvie Roy, ton nom.
  • Députée de Lotbinière
  • Action démocratique du Québec
  • Porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de sécurité publique
  • Leader parlementaire du deuxième groupe d'opposition
  • Porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'affaires sociales
T'as fait de la crisse de belle ouvrage quasiment toute seule face aux farauds Libéraux, t'as pas lâché l'os, t'es revenue à la charge, t'as été l'opposition et je t'ai comme tant de Québécois trouvée vachement toffe et pis vachement chouette.

Fait que veux-tu ben ma foi du bon yeu m'expliquer kossé ça à matin ton projet de loi pour forcer le monde à stooler s'ils ont connaissance de sites pédophilocyberprédawebiiiques. Explique, enwèye, come on, be cool. Pasque l'autre moron, là, Dany Lacerte, à la rigueur il se tire d'affaires en invoquant la défense de moronitude/ignorance, mais toi? C'est quoi le plan? T'es diplômée en droit de l'Université Laval depuis 1987, t'es membre du Barreau depuis 1988, après ça 
  • Avocate en pratique privée (1988-2003)
  • Mairesse, Sainte-Sophie-de-Lévrard (1999-2003)

et pis là tu sièges à L'ASSEMBLÉE NATIONALE, girl: comment tu vas justifier ça, un projet de loi visant à rendre la délation obligatoire, quelque chose de si contraire à toutes les chartes de droits et libertés depuis la putain de Magna Carta que même un ministre de l'agriculture de l'Union Nationale en 1946 l'aurait su.

Mario Dumont, il aurait bien vu ça, tu crois? Stooler comme projet de société? C'est pas de droite, ça, dénoncer en cachette, mémérer, bavasser à monsieur le curé. Pas la droite des gars, en tout cas. La droite des filles? Stooler c'est cheap, c'est moumoune pis c'est l'outil des tyrans, cocotte. Ton projet de loi, passe-le dans la déchiqueteuse pis avale-le jusqu'au dernier restant d'effilochure. Grosse connasse fasciste.

Vue plongeante sur la Place des Peuples

La tour Altoria pourrait n'être pas érigée là si les Indignés occupent le terrain avec la détermination qu'ils ont jurée crachée. «Eh! said Bobby Jimbo Altoria III, CEO of Altoria Towers International (and heir to the Altoria famed fortune built from scratch by his legendary grandfather Eligius Poncius Altoria, a poor Mongolian immigrant's son who got the idea of building towers from watching ants constructing such dwellings for themselves, and the idea of curing society's ills by safely turning it into a formicarium, supervised by a qualified committee of respected corporate myrmecologists, he also got from watching ants working, something even Henry Ford would never have thought possible) Grandpa had a sayin' down there where I come from, he said Boy! Them slick big city newspapermen, they ain't bad people, it's just the way they're drawn, always askin' a ton of questions for no particular reason, so don't mind their bad manners and never ever give'em answers.»  

Ainsi parla Bobby Jimbo Altoria III.

De vrais sauvages

Y a deux écrivains que j'arrivais pas à blâmer en entier dimanche dernier. Pourquoi, c'est difficile à expliquer, mais je vais essayer.

OK, Éric McComber, je commence par lui, c'est le plus simple: il n'est d'aucun groupe, certainement pas du groupe des écrivains Québécois, l'idée de groupe le rend malade et c'est pourquoi il est parti depuis des années, n'étant ici que de passage pour promouvoir son roman La Solde. Indigné, il l'est depuis avant que ce soit à la mode, et coucher sous la tente, c'est pas une aventure pour lui. Il était là, mais je sais qu'il parlait en son nom, pas au nom des écrivains.

L'autre, c'est Mike Vézina. Le coeur gros de même, et la science immense coupée en deux au beau milieu: autant il est savant et pénétrant sur la matière des choses, autant il est innocent sur l'hommerie morose. Mais voilà un homme, c'est peu su, qui jadis alla vivre dans le bois tout fin seul, indigné, le temps qu'il faudrait pour trouver une raison de revenir participer à la civilisation, et chaque mois cashait son chèque de BS aussitôt investi en graines d'oiseaux, sauf le strict nécessaire à sa propre subsistance. Oué. It's true. Il nourrissait les oiseaux du bois avec vos taxes. Alors, hein, si cet homme-là n'a pas gagné une vaste mesure   d'immunité mienne, qui le pourrait?

Regardez dehors. Il neige une bonne crisse de neige de Canada de 23 novembre. Mais hier encore, Big Mike publiait sa chronique candide ignorant les calculs durs du monde.  La Phase 3 des leaders indignés (celle qui se passe au chaud en laissant les kiddos se débrouiller et les sickos redevenir le problème de la Ville). La simple et bête évidence qu'on passe pas l'hiver campé su'l square Victoria si on a le choix. L'hiver montréalais, misère, on l'oublie si facilement? Après quatre cents ans d'expérience? Le Maire, lui, il s'en rappelait. Il était pas pressé. C'est pas Québec, ici, le Maire n'a pas à plaire à un électorat bruyant formé à l'école de Jeff Fillion, ses apôtres simplets, ses sectateurs épais. Ici, on a vu neiger. Mike, il veut pas voir l'histoire crochue comme ça, et résultat je ne peux pas le blâmer non plus là-dessus: il me baise full planche.

La mère de tous les dossiers

On n'a pas cessé de dire, depuis qu'on avait vingt ans, nous qui en avons de 45 à 50 aujourd'hui, que les Boomers ne mourraient jamais. C'était une façon de parler, une figure de style, une manière d'illustrer que leur influence perdurerait bien au-delà de leur existence physique. Eh ben non. Ils meurent vraiment pas. Retraite? Oui. Tous en même temps, évidemment. Mais qui aurait prévu qu'ils l'utiliseraient à se justifier collectivement sur tous les lieux d'expression cybernétiques, récrire l'histoire récente et nous traiter de chiâleux? Pas moi, qui avais pourtant presque tout prévu.

Alors va falloir leur enfoncer une sérieuse grosse dose d'une autre vérité que la leur au fond du gosier une bonne fois pour toutes. Et pour ça, y aura pas de gros efforts de recrutement à faire: j'appelle ça les Vamps, le reste du monde appelle ça les X, in any case y sont pas disposés à laisser sévir une dernière couche de bullshit Boomer à leurs dépens.

On en voit partout surgir des signes, à gauche comme à droite. Un exemple parmi cent, ici.

Demain, après-demain ou le mois prochain, mais c'est certain

Les psys le savent, les flics le savent, les profs le savent, tout le monde le sait mais personne n'en parle: tôt ou tard, et plutôt tôt que tard, ça va péter grave dans une école primaire ou secondaire, un garçon va revenir avec un gun et tirer dans le tas. Un gars que l'école aura laissé se débrouiller seul durant des années avec des bullies, ou un gars qu'on aura ritalinisé en première année et castrouillé jour après jour jusqu'en secondaire trois, jusqu'à ce qu'il décroche et s'enfuie dans la sauvagerie dehors pour essayer d'y voir clair.

Ils le savent et se préparent, comme qui dirait. Ils pourront se défendre de n'avoir rien fait.

Leningrad on the beach et 100 000 boches frileux: Nouzôt on trouve qu'y facho!

22.11.11

J'ai réagi trop vite

Je m'acharne, dit-il, et il me plaint.

Fâché, je réponds que cela, ce n'est pas m'acharner, c'est me réchauffer.

Sauf qu'il a raison. Je m'acharne. Depuis le 10 mars 1988, quand Vamp a été publié et que je suis entré officiellement dans l'arène littéraire. En ai-je fait, des bêtises et des saloperies et des grotesques conneries et en ai-je commis des honteuses merdasses et des erreurs débiles. Assez pour trois vies d'homme, je dirais.

Mais rien qui tache mon oeuvre et ma carrière littéraire. Rien. Pas un iota de salissure. Je serais pas si pauvre autrement. Oui, je me suis acharné, et O Sainte Vierge que je ne le regrette pas. La joie de pouvoir envoyer chier n'importe qui aujourd'hui qui oserait remettre en question mon intégrité artistique. Ça vaut si cher. Ça vaut si foutrement tout l'or du monde.

Tu t'es pas acharné. Tant pis. Je te plains pas, l'arrogance me manque, mais j'aurai bien tout tenté pour t'éloigner de l'escalier des gémonies.

Et pis non, j'écris pas ainsi parce que je suis soul, abruti. J'ai pas dessoûlé depuis mai 1980.

Première tournée mentale tribale. Pas la dernière.

On se donne, mettons, une semaine. Vous me faites savoir votre idée, en privé: par le biais des commentaires, mais ils ne seront pas publiés, je serai le seul à en prendre connaissance, comme si je les modérais.

Question: Quel dossier traiter en premier parmi ces trois-là: Denise Bombardier, Réjean Ducharme, l'analphabétisme québécois. Pas besoin de vous dire qu'il s'agit de choisir entre trois impostures. Choisir, ça m'est si malaisé! Alors allez, j'ai besoin de vous. Vais tout de même pas tirer à tête ou bitch, et pis comment faire ça quand y a trois possibilités anyway.

J’ai pas envie de discuter avec toi. Mais du bunker, qu’en sais-tu, du campement des indignés?

Ben, ma foi, j'en sais assez, mettons autant que la plupart des gens intéressés, à moins qu'on n'ait pas le droit de se faire une idée si on n'y est pas allé. J'y suis pas allé. Chu allé au campement de Québec. J'aurais trouvé ça trop fif pour un Cliqueux du Plateau tel que moi d'aller agir socialement à dix minutes d'ici, dans le seul campement au Canada qui n'a subi aucune violence municipale. À Québec, dude, c'est pas des tentes en plastique qui sont en cause, c'est leur cuisine qui se fait raser: la bibliothèque populaire offerte par les écrivains désintéressés, incandescents sans condescendance, ameutés sur Twitter par un Moïse improvisé, pendant que les Indignés sont busy à démonter leur camp entre deux averses, c'est indigne, c'est visqueux, c'est illégitime comme de raison puisque ça prétend représenter les écrivains, ou une partie des écrivains, et que les écrivains ne représentent qu'eux-mêmes quand ils sont de vrais écrivains, pas des aspirants qui écrivent.

Écrire droitier

Extrait d'un entretien accordé par Bruno de Cessole à Emmanuelle De Boysson:


La bonne littérature serait, d’après vous, de droite – vous en expliquez les raisons. N’est-elle pas une affaire de talent ? Qu’en est-il de nos jours ? 
Je ne fais que confirmer l’assertion du grand critique de l’entre-deux-guerres, Albert Thibaudet, qui affirmait que la pente naturelle de nos lettres est à droite dans la mesure où la pente politique est à gauche. Paraphrasant Gide, je dirais volontiers qu’on ne fait pas plus de bonne littérature avec de bons engagements qu’avec de bons sentiments. Bien sûr que la vraie littérature est affaire de talent, mais il se trouve que ce talent s’est davantage réparti, du début du XIXe siècle à la mi XXe siècle chez des écrivains que l’on peut classer à droite. De nos jours, la pente littéraire serait plutôt à gauche, j’en veux pour preuve la prolifération de romans et d’essais vertueusement moralisateurs ou hygiénistes, animés par la haine de soi, le ressentiment et la repentance, sur tous les sujets de société dits porteurs : la discrimination, l’immigration, la disparité hommes-femmes dans le travail, les violences conjugales, la Seconde Guerre Mondiale, les anciens conflits coloniaux, etc… Et sans doute est-ce la raison de sa médiocrité endémique, à quelques exceptions près. En ce qui me concerne, je souscris des deux mains à l’aphorisme d’Ortega y Gasset, « S’affirmer de droite ou de gauche n’est qu’une des innombrables façons qui s’offrent à l’homme d’être un imbécile » 

Le monde selon Garp

C'est un grand roman, marquant, déterminant l'évolution de la littérature yankee, laquelle a su écrire le vingtième siècle: Proust a muré barré parachevé conclu comme le calice l'écriture dix-neuvième, et Céline est le seul écrivain novateur sérieux en France ensuite. John Irving, vrai, a écrit ben de la marde. Mais Garp shit no, Garp ain't no crap, Garp est un grand roman, comme quiconque le lit s'en rend compte.

Pas facile pour moi de contredire ainsi mon vieil ami, vieux du temps d'avant qu'on soit connus. Mais faut. Fini le silence, je l'ai dit, j'ai pas le temps no more, chaque instant compte pour le sablier qu'il me reste. Je partirai pas en mentant. Le monde selon Christian.

Voilà pourquoi je lui ai pas prêté 1000$

Seulement 500$, à fonds perdus.

À cause que fatalement quand vient le temps de rembourser, il répond: «Je vais en faire des confettis, de ton argent, en petits morceaux dans une enveloppe. Le temps de recoller les morceaux, tu y verras peut-être clair.» 



You Aint Seen Nothing Yet



Écrivains indignés et autres Twitshits

Sont allés. S'indigner. Se sont invités au party comme la SSJB plus tôt et d'autres groupes sans demander s'ils étaient bienvenus. Twitters excités. Jean Barbe et Bertrand Laverdure, wow, représentant les écrivains, misère. Laverdure dur de comprenure en se figurant qu'il serait égal à Jean dans l'oeil du Kodak. Tous ces gens se mêlant de DIRE à la place des Indignés. Écrivains mon cul, et certes pas représentatifs de moi. Je les connais tous, et leurs saloperies personnelles: qu'ils rentrent chez eux dormir au chaud avant qu'on les dénonce.

20.11.11

«Extra pepperoni!»

«Le plus beau, c'est que la pizza est ici dans trente minutes ou moins, autrement la livreuse ne coûte rien!»

17.11.11

Elefthéria-Psômi-Paideia

Depuis 1973, le 17 novembre a cessé de signifier pour les Grecs la même chose que pour le reste du monde (un jour insignifiant situé entre le 16 et le 18 novembre). Il marque un moment déterminant de leur histoire, et déchirant pour ceux qui sont assez vieux, qui l'ont vécu, au pays ou pire, en exil. Paradoxalement, plus passe le temps, plus l'évènement prend valeur universelle: chaque jeune génération partant protester contre le pouvoir et l'oppression y trouvera quelque chose qui lui parle.

En attendant, la Grèce universelle, pour moi, est incarnée dans l'absolu personnel: un homme, un seul, un Grec, l'ami total définitif qui le resterait même si l'amitié décédait, pour qui je suis cela aussi, un Grec public omniprésent sous cent visages cybernétiques et dont pourtant personne ne pige un traître iota de ce qu'il est. Quand quelqu'un n'exprime jamais en mots un seul morceau d'émotion sur des centaines et des centaines de pages, cela ne saute-t-il pas au visage qu'il s'agit de pudeur, et de respect pour le caractère privé, sérieux, sacré des sentiments, les siens aussi bien que ceux des autres, dans un monde où l'on galvaude le coeur en étalant ses douleurs comme les putains d'Amsterdam s'exposent en vitrine, où l'on pleure et gémit collectivement gratuitement mais où faire autrement coûte cher...

Antonios Vekris, c'est ma Grèce, et aussi sa Nikki, maintenant qu'ils se sont retrouvés. Ce 17 novembre a un sens encore plus singulier pour eux deux: il n'en sera pas question ici.

Vekris, son ami d'adolescence est resté sur le pavé à cette époque, éternellement figé dans sa robuste beauté de jeunesse, son idéal, son ignorance du cynisme, dans le coeur et l'esprit d'Antonios qui lui ne s'absoudra jamais tout à fait d'avoir vécu, vieilli, appris la mécanique du monde. Chaque 17 novembre lui est plus douloureux, pas moins.

C'est en hommage respectueux à l'âme de mon ami, et à travers lui saluant l'âme de toute la Grèce, que je souligne ce jour.

Ça commence à paraître, j'espère.

Ce blog n'est plus Vacuum 2. Il est en phase 3.

Ce n'est plus un scrapbook. C'est un brouillon de testament, au cas où ma longévité s'avérerait abrégée: c'est un recensement urgent de ce que j'aurai voulu faire si je n'en ai pas le temps. C'est la fin de ma patience, de mon silence et de ma complaisance: vingt ans de cette politique ont prouvé sa futilité.

Le défi, pour moi, est d'écrire en conséquence sans rien sacrifier de ce que mon écriture a systématiquement sans exception scrupuleusement suivi depuis que j'écris:  le principe de bonne foi, le souci d'équité, l'intégrité,  la subordination des passions à la raison, le gouvernement du réfléchi sur le senti, de l'esprit sur les nerfs, du grand respir nasal sur la petite colère anale. Le défi, c'est d'écrire encore sans donner prise aux boueuses réactions ordinaires qui voudront fuser. Vingt-cinq ans qu'elles échouent à trouver une brèche: ce serait trop bête de la leur fournir astheure gratos, par négligence ou pire, par usure ou pire encore, par ce qui définit un écrivain fini: la satisfaction de son appétit, l'oubli de la faim, le sentiment de sa sécurité, la lassitude de la guerre, la perte du pur plaisir de battre les bâtards, jeunes et vieux!

Bon. On va continuer tranquillement pas vite alors, ici, à révéler mollo les axes nouveaux. M'a semblé essentiel d'en toucher dès maintenant mot aux Tribaux.

16.11.11

L'indignation des écrivains, ou l'art du piggyback

C'est en visitant le site de Mac que j'aperçois, du coin de l'oeil droit, ce nouveau gadget twitteux semblable aux fils de presse, et le nom de Johnny Bee.

De fil en aiguille, semble qu'un rassemblement d'écrivains se prépare pour dimanche prochain, Place du Peuple ou Place des Peuples, personne a l'air certain, anyway Square Victoria. Et ça se garroche pour répondre «Présent!», oh c'est de toute beauté. Ça va lire, ça va appuyer, ça va exprimer la solidarité des écrivains en belles phrases complètes. Ça va, bref, voler le show et se mêler d'autre chose que ses affaires, qui sont ÉCRIRE!

C'est aux Indignés de se définir, de choisir leurs mots pour leur cause et convaincre le monde.

Kessé qu'une gang d'écrivains, des bons et des pourris, ne représentant personne à part eux, et certainement pas les écrivains, kessé qu'ils ont d'affaire là s'ils sont pas prêts à coucher dehors?

Vieux G: l'heure juste

C'est pour moi une grande joie régulièrement renouvelée de voir s'affermir et s'épanouir le talent de Guillaume Lajeunesse. Celui qu'ici on appelle affectueusement Vieux G.

Comme tous les rares authentiques possesseurs du Don qui publient à mesure qu'ils apprennent, il traverse pendant qu'il travaille à le maîtriser une multitude d'opinions. Dont il est seul à pouvoir faire le tri.

Attention aux félicitations trompeuses. À être aimé pour les mauvaises raisons. Tu viens de publier trois textes coup sur coup, deux sont encensés, or ils sont trop longs, trop compliqués, et c'est le troisième qui montre ce style que tu es en train de trouver, celui qui est juste à toi, qui est toi. Ce texte-là:


Rien et tout se chatouillant

De volubiles errances vipérines
Un coeur clochard qui s'expie en
Grogne musclée qui salive

Des tempêtes de fumée
S'enfumant de sève bactérielle
Des mitraillettes d'atomes pour
Des meurtres du hasard

Des pays sans noms
Provisoirement habités
Par des mygales totalitaires

Des cathédrales chimiquement hallucinées
Où l'on écrase des fouilles archéologiques,
Piétine les dents qui souriaient autrefois

Des femmes-monstres qui ont dans
Leurs entrailles
Des laboratoires de fleurs de feu

Des débâcles mathématiques
Scientifiques empalés par des pieux d'infini
Des songeurs carrés se défénestrant
Dans le théorème de Fermat

Des pianistes qui s'endorment la face
Sur le clavier en l'accord de leur vie
Ils s'éveillent en sursaut sont médiocres à nouveau

Pitchounette, Pox party et Lollipops

La petite a fait ça comme une grande, elle et ses huits copains ont campé deux nuits dans le salon de Circius, et sont immunisés à vie contre cette saloperie de varicelle.



Depuis hier, elle lèche des dizaines de suçons pour l'exportation. Passez vos commandes. Notez que le transport par avion est obligatoire, malgré le prix: par bateau, ça prend six semaines, le virus crève en route.

En stock, il reste d'autres saveurs lollipopulaires: la rougeole, les oreillons, la rubéole et la gale. Premiers arrivés, premiers servis.

MetroMac is back in town, it must be true: c'est écrit dans le journal

Les medias sont au courant, y est à peu près temps.

12.11.11

La kette du sein troll

Non? Toujours aucune réaction? Savez pas trop quoi dire? 

Une belle kette, un pompier quotidien, une paire de flics en visite hebdomadaire, c'est-y pas le bonheur?

Tas de Tribaux timides. Rougissants jusqu'aux sourcils comme des gamines. Détournant le regard. Allez donc jouer ailleurs.

11.11.11

Seront jamais vétérans...

Le prix du sang que coûte notre alliance avec l'impérial voisin du dessous.


LES CIMETIÈRES FLAMANDS
Sous les rouges coquelicots des cimetières flamands,
Qui parmi les rangées de croix bougent dans le vent,
Nous sommes enterrés. Et dans le bleu des cieux,
Les alouettes encore lancent leur cri courageux
Que plus personne n'entend sous le bruit des canons.

Nous sommes morts : il y a à peine quelques jours,
Nous connaissions les joies de la vie, de l'amour,
La fraicheur de l'aurore, les lueurs du ponant.
Maintenant nos corps sans vie reposent en sol flamand.

Nos mains inanimées vous tendent le flambeau :
C'est à vous, à présent, de le tenir bien haut,
De contre l'ennemi reprendre la querelle.
Si vous ne partagez des morts la foi rebelle,
Nos corps ne pourront pas dormir paisiblement
Sous les rouges coquelicots des cimetières flamands.



J.P. van Noppen
Une traduction du poème 
"In Flanders Fields" 
de Lt.-Col. John McCrae

Chu trop sentimental, chu tanné d'avoir mal en voyant l'amour des autres

Tel celui-ci. Simple, charnel, terrien: Carolorégien, quoi.


Lyes...

Sortir de la salle de bains presque tout nu: DSK tout craché.

On a presque pitié des flics: c'est pas pour ça qu'ils sont devenus flics. Eh ben ça leur apprendra à devenir flics. La kette, toujours la kette.

8.11.11

Sacré vieux Bozo I love you so

Se peut que vous l'appreniez ici, vu que les gazettes semblent dans l'ensemble peu empressées à y voir matière à nouvelle (Chantal Guy, évidemment, a écrit un papier substantiel, mais pour le trouver sur La Presse en ligne, faut chercher en chien: pas vous autres, craignez rien, le Big Dog vous le refile ici): Victor-Lévy Beaulieu a remporté hier le prix Gilles-Corbeil. Kessé ça? Oh, pas grand chose, presque rien, seulement le prix littéraire le plus richement doté en Amérique. 100 000$. Pas de quoi bousculer l'agenda du téléjournal.

Il m'a écrit vendredi. Je serai en ville lundi, on pourrait se voir. On m'a invité à la remise du Prix, j'ai répondu que j'y assisterais avec plaisir...

Ben oui. Lévy, on n'a qu'à l'inviter à une remise de Prix à Montréal, un lancement, un vernissage, une inauguration de centre d'achats, et il viendra, comme ça, c'est son genre, genre. NOT!

Quitter Trois-Pistoles, crisse, il lui en faut gros pour s'y résoudre. Quand je dis gros, c'est gros: il informe régulièrement au dernier moment qu'il ne sera pas présent à un événement qui dépend de lui et organisé autour de lui et annoncé depuis longtemps sur sa confirmation. Parlez-en aux deux cents personnes qui l'attendaient chez Renaud-Bray pour assister au débat qu'il avait suscité, parlez-en aux deux autres personnes sur scène qui devaient débattre avec lui, héhé.

Il a fait le coup au Salon du Livre de Québec (cette fois-là, il pouvait pas laisser ses moutons seuls), il l'a fait souvent partout, moi j'en ris en complice et ami depuis que j'ai cessé de m'en vexer, héhé, mais bon, ce qui est vraiment vexant, c'est que personne n'a l'air d'avoir pigé un pattern, là. On préfère penser qu'on connaît VLB, un ours imprévisible capable de toutes les colères impolies, un sauvage, un fouteur de merde qui mange avec les doigts et se torche la barbe avec la nappe du dimanche. Pas important qu'il soit rigoureusement impossible de trouver nulle part le moindre incident, le plus infime fait anecdotique à l'appui de cette idée reçue, ni sur le net, ni nulle part. Certainement pas depuis qu'il a cessé de boire, et ça fait très longtemps, et ses quelques légendaires colères datent de bien avant, du temps de Montréal, là où se bâtit la légende, pour le meilleur d'abord mais toujours pour le pire pour finir: qui était là pour s'en rappeler qui vit toujours? Y aurait Turgeon, y aurait Godbout, y aurait qui d'autre des débuts, quels journalistes, y aurait Martel y aurait Marcotte y aurait pas ben d'autre monde que ça, pas tant qu'il soit si vieux, seulement paskils étaient tout seuls, à cette époque, à écrire vraiment... Lévy, dans le texte que je vais vous relayer, évoque Ducharme. Aurais-je oublié Ducharme dans ma short list ci-haut? Fuck no. Simplement, j'ai tenu à n'énumérer que des gens qui y étaient et, je le répète, qui vivent toujours: Réjean Ducharme ne pouvait y être, et il est mort depuis vingt ans. Chu même pas sûr que VLB le sache, ça.

Le texte qui vient, c'est celui qu'il a livré hier après réception du Prix. Un très beau, très sincère, très doux et tendre texte. VLB est tendre, sincère et doux, il l'a toujours été, cette barbe sert à le protéger, l'alcool servait à le protéger, à lui donner de quoi rugir et repousser les assauts incessants des petits des méchants des insignifiants, comme une torche tient les loups et les hyènes et les rats hors du périmètre de campement.

Il sait plus trop pourquoi il a décidé d'être écrivain à quatorze ans. Il sait cependant que moi, quand j'ai pris la même décision au même âge (suivie d'action, de résultats et toujours inaltérée trente-trois ans plus tard), c'était grâce et à cause de lui: 1978, première des trois saisons de Race de Monde à Radio-Canada, Abel Beauchemin, tout mon destin tenait déjà dans le générique du début, une main traçant au stylo-feutre des mots en lettres carrées dans un cahier ligné et une bouteille de St. Leger juste à côté. La plupart des gens qui entreprennent d'être écrivains partent avec aussi peu: une image, un fantasme. C'est pourquoi la plupart sont déçus tôt ou tard, et que quasiment aucun ne devient écrivain. Si ma décision n'avait tenu qu'au seul téléroman de VLB, je serais probablement devenu flic ou avocat en début de vingtaine. Faut plus, beaucoup plus qu'un fantasme pour soutenir une vie vouée à écrire. Et c'est découvrir l'auteur du téléroman et son oeuvre et surtout avant tout et en tout et partout sa conception de l'Oeuvre, du Grand Roman, de l'absolu littéraire comme honorable et valable échine d'une vie, c'est ça que je lui dois, et je suis content qu'il le sache, ce grand vieux Joual Féral dont on ne fera jamais une ganache de son vivant, ni de la colle après sa mort, et oui je sais que féral est un anglicisme, mais quand les Français comprendront qu'on traduit pas un mot comme ça qui signifie sauvage par un mot comme marron, je voudrai bien coopérer. Tas de ploucs.



JE CRIE, J’ÉCRIS, JE DÉCRIS




Je ne suis pas accoutumé à me retrouver devant l’une de mes grandes feuilles de notaire, mon stylo feutre à la main, pointé vers le ciel plutôt que vers le papier. C’est que je ne trouve pas quoi dire, surtout pas pourquoi, à l’âge de 14 ans, j’ai décidé que je serais écrivain. Peut-être est-ce au fond très simple : je n’ai pas eu à choisir, puisqu’on n’écrit pas par choix, mais parce qu’on n’a pas le choix.
Rien ne me destinait à l’écriture : je suis le sixième d’une famille de treize enfants, pour laquelle la simple survie exigeait tant de labeur que toute son énergie vitale y passait. Le seul livre de mon enfance dont j’ai gardé mémoire est la première édition des Poésies d’Émile Nelligan qui trônait, solitaire, sur le piano chez mes grands-parents paternels. Pourquoi cet ouvrage était-il là et pourquoi ma grand-mère mettait-elle entre les pages ces coupures de journaux dans lesquelles il était question du poète? Parce que la mère de Nelligan, née Hudon dit Beaulieu, était apparentée à notre famille et qu’on compatissait au chagrin qu’elle avait éprouvé quand on dut interner son fils. Seule ma grand-mère avait le droit de prendre et d’ouvrir l’ouvrage de Nelligan. L’a-t-elle lu? Je suis certain que non. Et pourquoi ne l’a-t-elle pas fait? Parce que c’est en écrivant que Nelligan était devenu fou et que cette maladie-là, comme tant d’autres, pouvait être contagieuse. Même sans lire ou écrire, certains membres de notre famille ne vacillaient-ils pas sur leurs pieds et ne risquaient-ils pas de passer, furieusement, de l’autre côté du miroir?

Je commençai à lire à mon adolescence quand, laissant le petit village de Saint-Jean-de-Dieu derrière nous, nous nous retrouvâmes, ma famille et moi, à Morial Mort. Je n’ai pas besoin d’expliquer pourquoi je lus d’abord la poésie québécoise avant de découvrir Léo-Paul Desrosiers, Félix Leclerc, Yves Thériault et Jacques Ferron. J’aurais bien aimé devenir poète, je m’y suis essayé, mais en vain : comme l’a si bien dit Miron le Magnifique, il n’y a pas de poème quand celui-ci n’est pas l’objet d’une seule idée, d’une seule métaphore. Je n’étais pas de ce côté-là des choses : les poèmes que j’écrivais, alors que j’avais quatorze ans, faisaient deux cents pages! Aucune idée poétique, aucune métaphore poétique ne peut avoir deux cents pages!

Mais dans un roman, tout cela est possible. Je l’ai compris en lisant Les Misérables et Les travailleurs de la mer de Victor Hugo. Je me souviens de ce que ma mère me disait quand je déballais les gros ouvrages du bonhomme Hugo sur la table de la cuisine : « Si tu lis toutes ces folleries-là, tu vas finir tes jours à Saint-Jean-de-Dieu! » Je répondais alors à ma mère : « Lequel, Mam? Le Saint-Jean-de-Dieu qui est un asile dans le bout de l’île du Grand Morial ou l’autre, ce petit village du Bas-du-Fleuve où tu es née? »

Quand je fus atteint par la poliomyélite à l’âge de dix-neuf ans, dans la partie gauche de mon corps, celle avec laquelle j’écrivais, mes parents auraient voulu que je voie cela comme un avertissement que le ciel m’envoyait. J’y vis plutôt le signe que je devais me consacrer totalement à l’écriture. On ne savait pas en ce temps qu’elles pouvaient être, à long terme, les conséquences de cette maladie, sauf qu’elle risquait de vous clouer à un fauteuil roulant, et dépouillé de toute énergie vitale, une fois le cap de la quarantaine dépassé.

J’ai donc vécu avec cette angoisse-là tout le temps de ma jeunesse, ce qui m’a imposé ce sentiment d’urgence qu’il me fallait tout dire, et le plus rapidement possible, avant que ne s’effondre mon énergie vitale. Et j’en avais beaucoup à crier, à écrire, à décrire, bien davantage que je ne le pensais moi-même. Par ailleurs, j’ai toujours cru que pour réussir dans quoi que ce soit, il faut d’abord naître sous une bonne étoile. Je suis venu au monde le jour même de la fin de la Seconde Guerre mondiale, quand Américains et Japonais ont mis bas les armes, ce 2 septembre 1945, à 7 h 43 précisément. J’imagine le soulagement que cela a dû être pour ma mère et pour mon père d’entendre à la radio une telle nouvelle tandis que je poussais mes premiers cris. Bien sûr, nous resterions pauvres, mais l’est-on vraiment et absolument quand la paix, si improbable, redevient réalité?

Mon enfance, je l’ai traversée comme on la traverse quand on est né sous une bonne étoile, au milieu d’une nombreuse famille pour laquelle le Québec était son pays depuis 1637. Cette famille-là me donna 276 cousines et cousins. C’était dans un monde tricoté serré, du genre de celui que porte la mémoire profonde des choses. Et les gens de ma famille avaient une mémoire phénoménale et j’ai eu ce grand privilège d’en hériter. Je n’avais pas besoin d’apprendre, puisque ça se savait déjà; je n’avais pas besoin de retenir, puisque ça se détenait déjà.

Je n’ai donc pas de mérite à avoir écrit autant : c’était simplement là, au cœur de la mémoire familiale, et ça ne demandait qu’à surgir. Il en est des écrivains comme des cours d’eau : il y a des ruisseaux, des rivières, des lacs, des fleuves et des océans. Pas plus que les cours d’eau ne choisissent la nature de ce qu’ils sont, les écrivains ne choisissent la nature de leur écriture : ça s’écrit ainsi parce que ça ne peut pas s’écrire autrement.

Jacques Ferron m’a appris que nous venons tous d’un bout de rang, d’une petite rue, d’un semblant de village, d’une ville qui est parfois même une métropole, d’une province et, quand tout cela se lie et se relie, d’un pays. Toujours parce que je suis né sous une bonne étoile, j’ai vécu là où tous les Québécois ont vécu, de l’arrière-pays abandonné à lui-même au cœur d’un Grand Morial en effervescence. J’ai aussi voyagé, dans la réalité de pays que je voulais connaître, dans l’imaginaire de pays que je n’étais pas en mesure de connaître. Les oblats missionnaires de ma famille m’ont initié à l’Afrique et à la Papouasie, les sœurs missionnaires de ma famille m’ont initié à l’Amérique du Sud, les tantes et les oncles aubergistes de ma famille m’ont initié à l’Irlande, à l’Écosse et à la Bretagne, les migrants de ma famille m’ont initié à l’Ouest canadien, à la Nouvelle-Angleterre, au Colorado et à la Louisiane.

Vous comprendrez que venant d’une telle famille, je n’ai jamais compris qu’on ait pu parler du temps de mes ancêtres, du temps de ma mère et de mon père, du temps de mon enfance et de celui de mon adolescence, comme étant ceux de l’enfermement, pour ne pas dire ceux de la Grande Noirceur. S’il n’y avait pas eu dans ma famille cette curiosité par-devers l’étranger, curiosité qu’on a su me transmettre, croyez-vous que j’aurais été autant fasciné par Victor Hugo, Jack Kérouac, Herman Melville, Léon Tolstoï, James Joyce et, maintenant, Friedrich Nietzsche? À l’origine de tout pays, le cannibalisme est une nécessité, comme l’enseigne ce dieu grec que fut Dionysos. En dévorant les autres, on se les approprie, on élargit le champ de sa conscience qui, seule, est en mesure d’apporter une plus grande beauté au monde dans lequel on vit.

Cette plus grande beauté-là, c’est par le langage qu’elle s’exprime dans toute sa puissance. Réjean Ducharme nous en a fait la démonstration exemplaire. Pour ma part, je n’ai jamais cessé de croire que la langue québécoise est d’une grande richesse, qu’elle a son propre génie, sa propre sonorité et sa propre musique, et qu’il est de la responsabilité de l’écrivain de la bellement faire chanter et danser. Je n’aurais contribué par mon écriture qu’à lui ajouter quelques notes manquantes que je n’aurais aucun regret à avoir écrit les cinquante mille pages qui sont venus de ma main gauche et de mon stylo feutre bleu depuis cinquante ans.

Quand je suis né en 1945, nous étions deux millions et demi de Québécois. Aujourd’hui, nous sommes presque trois fois plus nombreux. Quand je suis né en 1945, la population mondiale était d’un peu plus de deux milliards d’individus. Aujourd’hui, la race humaine est de sept milliards de femmes, d’hommes et d’enfants. Nous savons moins que jamais de quoi sera fait l’avenir et s’il y aura même un avenir. Si je ne cesse pas d’écrire, c’est que je ne crois pas à l’éternité de l’enfer, pas davantage pour le monde en général que pour le Québec en particulier. La vie a plus d’un tour dans son sac, sa volonté de puissance va bien au-delà de tout ce que, comme individu et comme écrivain, je pourrais bien imaginer. À l’âge de quatorze ans, j’ai dit oui à la vie, celle du monde en général et celle du Québec en particulier. Pour changer les choses, pour leur redonner leur beauté manquante, il faut d’abord savoir dire oui à cette vie dont les racines pleines de sève ne demandent qu’à devenir l’arbre sacré de ce très grand poète que fut Paul-Marie Lapointe – cet arbre sacré qui porte ces pommes d’or qu’au Québec, comme partout dans le monde, on appelle liberté, égalité et fraternité.