21.7.13

Fort comme un joual

Mon père, Réjean, était fort comme un cheval. Il l'est toujours, que je sache: un vieux cheval...

En 1978, je fus opéré aux deux pieds pour des ongles incarnés, j'avais quatorze ans, je mesurais déjà plus d'un mètre 80, et je reçus en même temps l'invitation d'un éditeur à le rencontrer pour discuter d'un manuscrit que je lui avais adressé.

Mes pieds étaient pansés, lourdement bandés. Je ne pouvais pas marcher. Je ne vivais pas à Montréal.

Mon père m'a emmené en truck, en plein hiver, il a fallu se garer deux rues plus bas que l'adresse des Éditions Quinze, sur Côte-des-Neiges, et il m'a pris dans ses bras pour grimper la pente glacée et m'a porté jusque là, et a gravi l'escalier...



L'éditeur, c'était Pierre Turgeon. J'ai publié Vacuum chez lui, vingt ans plus tard, et mon fils a travaillé pour lui. Pierre n'a jamais su que j'étais le même géant gamin costumé et cravaté que mon père avait déposé dans son bureau jadis.

Quant à Papa, ma foi... Il était fier de moi et je ne le comprenais même pas.


3 commentaires:

Blue a dit...

J'aime tout dans ce post. Ton texte, ton père qui te portes, tes pieds bandés et cette vidéo de Fame, enthousiasmante à souhait même si aussi titillante par d'autres côtés.

Je crois qu'on voudrait tous autant que nous sommes garder une vision idyllique et unique de nos parents, je crois qu'on voudrait aussi et qu'on a besoin de penser qu'on a été aimé et qu'on est toujours aimé inconditionnellement ....

Je ne le suis pas. Je ne le serai pas, je ne l'ai jamais été. Mais je sais que c'est l'amour d'un père à son fils, d'une mère à son fils, d'un ère et d'une mère à leur fille, l'amour filial, génial, incommensurable.

Pourquoi n'as-tu pas pu croire en la foi qu'il avait en toi ? Quand on a le talent que tu as, c'est sanas doute déroutant et en même temps stupéfiant. Faut que tu comprennes que ça remue et je trouve que ce que tu racontes de cette entrevue est tellement touchant.

Je ne sais pas ce qui est le plus compliqué, d'être parent ou enfant ? Ce que je commence à comprendre avec mon âge allant de l'avant et mes fils grandissant, c'est que l'essentiel est dans ce que l'on fait...
N'est-ce pas ce que tu nous dit là, une fois de plus?
L'important est là. Agir, les gestes, la présence, l'échange et le respect. Le respect....

Mistral a dit...

Quel merveilleux commentaire. Merci, Lady Blue.

Mistral a dit...

Ta question mérite une réponse.

Je croyais que j'étais un fardeau, voilà. Juste un fardeau. Je me sentais humilié, aussi. Et pis Papa et moi, on ne se touchait pas, règle générale. Et il parlait pas. Il agissait, comme tu le dis si bien.